Vivre près d’un volcan…

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La Montagne Pelée, un volcan dont la dernière éruption remonte à 1929.

La ligne noire du volcan n’échappe à personne lorsqu’elle déchire, venu de l’Atlantique, son voile de nuages. Silhouette si familière qu’elle se donne à voir encore sur les armoiries de la ville au dessus d’une devise qui clame: “umbre montis aedifico” (“je m’élève à l’ombre de la montagne”)

armoiriescartereliefpeleeIl est vrai que dans un relief aussi chaotique que celui du nord de la Martinique, le volcan représente autant une menace qu’un privilège. Si l’activité humaine dépasse donc rarement les 600m d’altitude, il n’est tout de même pas inutile de noter que selon l’INSEE, près de 20 000 personnes vivent en 1999 sur les flancs du volcan. Le Morne Rouge est d’ailleurs, avec moins de 5km, la commune la plus proche du cratère.

 

Le volcan se réveille…

Les quatre dernières éruptions connues ont eu lieu respectivement en 1851, l’année où commence l’histoire de la commune, le 8 mai 1902, où le volcan fait 30 000 victimes à Saint Pierre, le 30 août 1902, où il laisse plus de 800 morts au Morne Rouge et durant le mois de février 1929.

C’est précisément à l’occasion de ces éruptions que le phénomène de la “nuée ardente” est étudié. Il est défini par Alfred LACROIX, un scientifique français alors dépêché en Martinique pour étudier l’activité volcanique de la Montagne Pelée.

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La dernière éruption de 1929: les nuées ardentes descendent vers la côte caraïbe.

Le terme de nuée ardente désigne en fait la masse considérable de particules, de vapeur d’eau et de gaz rejetés à très grande température du cratère et qui, après s’être souvent développée verticalement, sur une très grande hauteur, dévale ensuite les pentes du volcan..Les températures sont alors de l’ordre de 800°C et la vitesse de propagation, très rapide, dépasse largement les 150km/h .

 

Un volcanisme explosif.

La nuée ardente est le produit d’un type d’éruption particulier dite “explosive” et plus exactement, -d’après le terme utilisé par Alfred LACROIX- “péléenne”. L’explosion du volcan telle qu’elle s’est manifestée en 1902 et en 1929 est due en grande partie au fait que la lave est visqueuse. Provoquant l’obstruction du cratère au moment de l’éruption, elle génère une élévation de la pression des gaz accumulés sur les parois du volcan. C’est ainsi que le cratère de la Montagne Pelée s’est plusieurs fois effondré notamment sur le versant caraïbe.

La nature même de la roche qui domine cette partie nord de la Martinique est un indice du type d’éruption que peut connaître un tel volcan: l’andésite est en effet une roche volcanique qui est le produit d’une lave visqueuse, dite “acide”.

La présence de bombes volcaniques à plus d’une dizaine de kilomètres du cratère montre bien la violence de ce type d’éruption.

 

Le glissement de terrain: le risque majeur d’une zone volcanique en milieu tropical.

En fait le risque majeur qui menace le versant caraïbe est beaucoup plus insidieux qu’une éruption aujourd’hui facilement prévisible.

Il s’agit de ce que l’on appelle le lahar. Un lahar est une coulée boueuse typique des sols volcaniques. Il provoque très souvent d’immenses glissement de terrain, comme celui qui a eu lieu en 1902, une semaine avant la date fatidique du 8 mai et qui emporte la distillerie Guérin et une cinquantaine de personnes. Il est provoqué indirectement par l’activité volcanique. En effet, l’un des premiers signes de l’éruption consiste dans l’apparition d’un panache blanc de vapeur d’eau au sommet de la montagne. La présence de cette vapeur d’eau, souvent confondue avec un nuage, signifie que la nappe phréatique, l’eau contenue dans la terre, s’évapore sous l’effet d’une hausse brutale de la température du sol. Or les sols tropicaux de cette partie de l’île sont particulièrement riches en eau. Joint à leur extrême instabilité, on imagine facilement ce que pourrait provoquer sous l’effet de la chaleur une remontée massive et brutale de l’eau infiltrée. De fait, le glissement de terrain est le premier risque naturel qui menace le versant caraïbe de la Montagne Pelée. Il est encore renforcé par la présence au large de la côte caraïbe d’un “tombant” de plus d’une centaine de mètres. Relativement proche de la côte, il est à l’origine d’un véritable phénomène de “tapis roulant” qui peut entraîner avec lui des pans entiers du versant est. Les fortes pentes ne font qu’accentuer un tel processus.

On a depuis longtemps constaté la grande vulnérabilité des cours d’eau au moindre débordement des nappes phréatiques. De là la surveillance dont font l’objet la Rivière des Pères, la Rivière Sèche, la Rivière Claire, la Rivière Falaise ou encore la Roxelane.

 

“La politique du volcan”

Depuis la dernière éruption de 1929, il existe ce que l’on a appelé une véritable “politique du volcan”, comme le montrent les délibérations du Conseil Général en 1930 et le rapport de Me Henri AUZE(1),  vice président du Conseil Général de la colonie sur la dernière éruption :

“Messieurs, lorsque s’ouvrit en novembre 1929, la session budgétaire, le tumulte volcanique était à son comble. Les habitants du Prêcheur, de Saint Pierre, du Morne Rouge, de l’Ajoupa Bouillon, dispersés par la tourmente, se posaient les plus angoissantes questions, l’administration et le conseil Général, à l’unisson, s’employèrent à qui mieux mieux à atténuer le malheur et à parer au désastre.

Six mois se sont depuis écoulés; le Mont Pelé s’est apaisé; il s’assoupit peu à peu et restera probablement, selon un rythme séculaire dans un sommeil plus ou moins prolongé. Combien de temps durera ce calme trompeur ? La science elle même est impuissante à formuler un pronostic en l’occurrence.” […]

Le Parlement, grâce à l’intervention combinée du député de l’Est et de notre délégué M Joseph Lagrosillière, a fixé à cinquante millions l’aide financière à nous accorder.

C’est la possibilité de réaliser à bref délai, le programme des travaux à exécuter dans la zone dangereuse. Ouvrir des routes d’accès et d’évacuation, indemniser les victimes des dernières éruptions, installer un ou deux observatoires munis d’instruments perfectionnés, compenser les dépenses engagés par la colonie à l’occasion des événements volcaniques, telles sont, croyons-nous, les affectations données aux fonds nationaux qui nous sont attribués. Voila donc assuré dans une large mesure, le sort de nos compatriotes du Nord.”

Avec l’installation de l’observatoire du Morne Des Cadets, c’est toute une politique de prévention du risque qui se développe encore jusqu’à nos jours.

Notes :
(1) Archives Départementales de la Martinique, rapports du Conseil Général de la Colonie, 1930