Le XXe siècle: le siècle des bouleversements.

Le temps des catastrophes: le cyclone de 1891.

A peine 2 ans plus tard, le 18 août 1891, la toute jeune commune est violemment touchée par un cyclone d’une ampleur exceptionnelle. C’est à cette occasion que l’église en bois est reconstruite…en pierre.

Le cyclone de 1891, vu par « Le Monde Illustré », du 3 octobre 1891(5) est un article qui donne une idée des ravages qu’à pu causer un tel phénomène sur la jeune bourgade.

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L’église en bois du Morne Rouge après le cyclone de 1891, gravure de 1891.

« Le 18 août dernier, de six heures et demie à dix heures du soir, notre colonie de la Martinique a subi le choc écrasant d’un cyclone ‑ «l’uracan» des Caraïbes, ses premiers habitants ‑ dont la violence ne peut trouver de comparaison qu’avec l’ouragan qui la ravagea en 1766. Aujourd’hui, ses deux villes, ses trente et un bourgs, ses quatre cent cinquante habitations‑sucreries sont dévastés. Sous les décombres des maisons, renversées par l’impétuosité du vent et de la pluie diluvienne qui s’y joignait, plus de 400 morts et de 1.200 blessés ont été retrouvés ! Les campagnes, plus ravagées que par une guerre, présentent le désolant spectacle des cannes à sucre arrachées, des cacaoyers et des caféiers brisés, des cultures vivrières saccagées.La destruction s’étend sur toute l’île et nos gravures en donnent une idée.

Au Morne‑Rouge, sur un plateau situé à une altitude de six cents mètres, sans cesse rafraîchi par les brises de l’Atlantique, se voyait une charmante bourgade, le «sanitarium» de la colonie. Son plus bel ornement était son église de Notre-Dame‑de‑la‑Délivrande, bâtie par le premier évêque de la Martinique et but de nombreux pèlerinages. Le 18 août, elle s’élevait radieuse sous le soleil équatorial. Le lendemain, il n’en restait que quelques pans de mur et la statue de la Vierge. Autour de ces ruines gisaient les décombres des maisons recouvrant les rues, et sous ces décombres vingt‑huit morts et de nombreux blessés qu’on a pu en retirer, grâce au concours de courageux sauveteurs, parmi lesquels se sont signalés M. le lieutenant Pelcot, de l’infanterie de marine, qui a eu une jambe broyée par la chute d’une poutre, et le docteur Bougon, médecin de Paris, de passage à la Martinique. « 

Le temps des catastrophes: la Montagne Pelée se réveille.

Un répit d’une douzaine d’année intervient avant que n’arrive la catastrophe du 8 mai 1902 et surtout celle de la nuit du 30 août 1902. La première éruption de la Montagne Pelée qui détruit la ville de Saint Pierre provoque l’émoi. La seconde  plus vaste que la première -bien que dépourvue d’une explosion comparable- ravage le bourg. Seules quelques maisons et l’église résistent. Mais l’on relève du village complétement rasé plus de 800 morts et une centaine de blessés. L’impact sur la population est énorme: une partie des habitants s’établit sur la route de la Trace qui relie Fort de France au Morne Rouge, dans la forêt, entre Colson et Deux Choux, près de la Médaille. La progression du peuplement est stoppée: le Morne Rouge compte encore à peine plus de 3500 habitants au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale.

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La seconde éruption de 1829: les nuées ardentes se dirigent vers la côte caraïbe.

Une seconde éruption a lieu en 1929 sous le mandat du maire Edouard Collat (1909-1927). C’est à cette époque que certains envisagent, notamment aux Etats Unis, l’évacuation complète de la zone. Fort heureusement il n’en est rien et l’histoire de la commune se poursuit.

Mais dans les années 30, l’industrie de la canne commence à amorcer une crise qui va s’intensifier au milieu du XXe siècle. Une nouvelle culture se développe alors avec la généralisation des transports maritimes frigorifiques: la culture de la banane. La poussée de cette nouvelle culture est très forte dans le nord caraïbe : le tiers des surfaces des habitations du Champflore et du Réduit sont désormais cultivées en banane.

Avec les mandats de Henri Cléostrate qui, jusqu’en 1943, fait face aux difficultés de la Seconde Guerre Mondiale, arrive le « temps de l’Amiral Robert ». La Martinique subit le blocus anglo-américain et les restrictions sont d’autant plus fortes que la terre est vouée à l’agriculture commerciale. Un retour vers le développement de l’agriculture vivrière dans la commune s’amorce, au moins pour un temps ..

Départementalisation et premier essor économique du Morne Rouge.

Le 19 mars 1946, la Martinique devient un département français. Au Morne Rouge, un mandat se signale par sa longueur: celui d’Edgar Nestoret, maire communiste élu en 1953 en pleine guerre froide. Son mandat dure trente ans !. C’est à l’occasion de sa mandature, en août 1972, que les mouvements autonomistes de gauche des quatre tout nouveaux « Départements d’Outre Mer » (D.O.M.), dressent une plate forme de revendications commune appelée « La Convention du Morne Rouge ». La période de décolonisation s’achève: au prix de guerres et de bien des catastrophes humaines, les deux plus grands empires coloniaux, brittaniques et français se sont disloqués. Au nord, l’île voisine, La Dominique, jusque là autonome depuis 1967, prise dans une véritable crise sociale, devient indépendante en 1978.

Ces trente années sont assez remarquables du point de vue économique avec un essor sans précédent de la culture de l’ananas et de la banane. Et pour cause, dans la canne à sucre, des 13 distilleries que l’on compte encore en 1935, il n’en reste que 4 en 1974.

En 1958, se crée donc une grosse conserverie d’ananas alimentée par un groupement d’exploitants: La Société Coopérative Agricole Fruitière du Morne Rouge (SOCOMOR). La coopérative groupe une trentaine de fournisseurs du nord de la Martinique venus notamment de Basse Pointe, Macouba et de l’Ajoupa. Cette société produit alors sous la marque « Mont Pelée », plus de 5000 tonnes d’ananas par an. Trente ans plus tard, ce chiffre a quadruplé ( 20 000 tonnes par an en 1984). L’appareil se modernise: 20 tonnes d’ananas sont traités à l’heure, et l’on fabrique de l’aliment pour bétail avec les pelures d’ananas. La quasi totalité du chiffre d’affaire est réalisé à l’exportation, avec, pour faire face à la concurrence africaine et asiatique, une diversification de la production. Ananas, bananes, goyaves, avocats sont ainsi transformés pour être exportés vers les Etats-Unis, l’Europe, la Caraïbe et le Canada. . La société est alors liée à une société métropolitaine: St Mamet. Elle compte 300 salariés, pour l’essentiel des Péléens.

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Bananeraie au Morne Rouge, sur le piémont de la Montagne Pelée.

L’essor des bananeraies est lui, plus aléatoire et beaucoup plus en rapport avec les catastrophes naturelles. Le Morne Rouge est durement éprouvé coup sur coup par deux cyclones: David en 1979 et Allen en 1980.  Une quarantaine de bananeraies sont dévastées. Et c’est l’impact de ces catastrophes qui améne une véritable concentration des terres autour de 13 exploitations : les superficies sont multipliées par 8 en moins de 7 ans, avoisinant en moyenne les 350 ha en 1988 (contre 40 ha en 1981). En terme de production, on atteint les 13 500 tonnes vers 1983: le Morne Rouge produit à ce moment là quasiment 10% de la production bananière de la Martinique.

A cette époque (1982) un quart de la population péléenne travaille dans le secteur primaire (agriculture), un cinquième dans le secteur secondaire (industrie), près de la moitié dans le tertiaire (service).

Mondialisation: une fin de siècle difficile pour le Morne Rouge.

C’est après cette période faste que commence un lent déclin du secteur secondaire -essentiellement agro alimentaire- et… un essor du secteur tertiaire.

Une longue mandature s’ouvre avec l’élection du maire R.P.R. Pierre Petit en 1983. Plébiscité par la population, il va rester à son poste pendant près de 25 ans !  Cette période voit tout d’abord l’essor d’une société promise à un bel avenir: la SOMES, une usine d’embouteillage d’eau minérale. Elle exploite sous diverses marques, dont l’appelation « Chanflor », depuis 1976, l’eau de la source du Mont Béni sur un versant du Fond Saint Denis. En 1989, cette société compte déjà une trentaine de salariés. En moins de 10 ans, elle décuple sa production (4 millions de bouteilles en 1984)  en s’appuyant exclusivement sur la clientèle locale, les deux tiers de ses ventes se faisant sur le marché local.

Une nouvelle conserverie s’ouvre en 1987 et se consacre au conditionnement des légumes: la SIT, Société industrielle de transformation mais elle se trouve rapidement en difficulté.

Dès 1978, des exploitations de fleurs se lancent dans le développement de leurs exportations telles l’habitation Beauvallon ou la plantation MacIntosh appartenant à la famille béké Marraud Des Grottes qui se spécialise dans la production d’anthuriums hybrides. Elle emploie une vingtaine de salariés pour une production estimée à 5000 fleurs par semaine (6).

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La friche industrielle de la conserverie Socomor.

Mais l’ouverture des marchés mondiaux, la libéralisation grandissante des échanges, la levée progressive des barrières douanières et plus généralement la mondialisation des échanges, mettent gravement à l’épreuve ces entreprises. Face à la concurrence, et à la chute des cours mondiaux de l’ananas, la SOCOMOR tente une diversification dans l’élevage des écrevisses. En vain. Les difficultés s’accumulent qui vont l’amener à fermer ses portes. De même le prestige des exportations d’anthurium martiniquais est mis à l’épreuve par la concurrence hollandaise et le secteur entre en crise dès la fin des années 90. Seule persiste sans trop de difficulté, une importante agriculture vivrière de type familial.

En ce début du XXIe siècle, le bassin d’emploi de la commune est donc considéré comme sinistré.

En 2008, un nouveau maire U.M.P. est élu, il s’agit de la première mairesse de la Martinique, Me Jenny DULYS PETIT.

Notes:
(5) Solange CONTOUR, « La Martinique et la Guadeloupe vues par les revues illustrées du XIXe siècle », 1989
(6)Judith CALABER, « Morne Rouge, impact des entreprises sur le développement de la commune, 1989-1996 », Mémoire de maîtrise, Université des Antilles Guyane, Fort de France, 1996.