Déclaration de M. Edouard Balladur, Premier ministre, sur le système scolaire, la formation et l’aide de l’Etat dans le cadre des contrats de plan pour l’enseignement supérieur dans les Antilles, Schoelcher le 20 mai 1994.
Circonstance : Déplacement d’Edouard Balladur aux Antilles du 19 au 21 mai 1994. Inauguration du rectorat des Antilles-Guyane à Schoelcher le 20 mai 1994
Texte intégral
Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Président du Conseil régional,
Monsieur le Président du Conseil général,
Monsieur le Maire,
Monsieur le Président de l’Université,
Je suis heureux de pouvoir, à l’occasion de l’inauguration du Rectorat des Antilles-Guyane, rencontrer ici des représentants du monde enseignant, des
étudiants, des lycéens pour aborder avec vous les questions essentielles pour notre jeunesse, celles de sa formation et de sa préparation aux défis qu’elle
aura à affronter.
Vous le savez, j’ai demandé à M. François BAYROU, Ministre de l’Education nationale, d’ouvrir un large débat qui devrait se traduire par l’adaptation de
notre système éducatif aux aspirations nouvelles de la jeunesse. Telle est la méthode retenue pour les grands sujets sur lesquels le Gouvernement travaille
actuellement : l’aménagement du territoire, l’avenir de la Sécurité sociale, la défense, l’emploi, la consultation des jeunes.
Doté d’une architecture élégante et originale, le Rectorat des Antilles et de la Guyane que je viens inaugurer m’offre aujourd’hui l’occasion de rappeler le
double principe qui guide mon action en matière éducative :
- le respect de la liberté de choix de chacun suppose que les formations puissent être diverses ;
- notre idéal de justice exige pour tous un cadre précisément défini.
Une des missions essentielles de l’école est d’assurer la cohésion d’une société plus juste. Nous devons tout mettre en oeuvre pour y parvenir : c’est
l’objet même du Nouveau Contrat pour l’Ecole, que le Ministre de l’Education Nationale élabore en ce moment.
Une éducation solide requiert une bonne maîtrise linguistique et cela dès l’école primaire. Nos enfants auront de plus en plus besoin de connaître deux langues véhiculaires, dont le français. Dans les ANTILLES-GUYANE, la connaissance du créole, cette langue reconnue de notre culture, est bienvenue.
Autre mission de l’école primaire : prévenir les difficultés scolaires et munir chaque élève de réponses adaptées, conçues pour lui avec sa famille. Enfin,
pour que la dernière année de l’école primaire prépare mieux à la 6ème, les enseignants du premier et du second degré doivent travailler en plus étroite
liaison.
Puisque cette académie s’étend sur le continent sud-américain, qu’il me soit permis de préciser que dans le prochain contrat de plan, l’Etat rattrapera le
retard pris et financera en GUYANE des équipements scolaires du premier degré, faisant au nom d’une solidarité nationale indispensable une exception aux
règles habituelles de financement.
Epousant l’évolution de l’enfant, le collège a pour objet d’approfondir les apprentissages fondamentaux. Grâce à un dispositif de consolidation en 6ème,
l’enseignement doit permettre une remise à niveau individualisée pour ceux qui en ont besoin.
Enfin, j’attache le plus grand prix à ce qu’au collège, comme au lycée, des possibilités de parcours diversifiées puissent s’ouvrir aux élèves. Dans votre
Académie, les secteurs de l’hôtellerie, du BTP, du commerce, de l’agriculture, pour ne citer qu’eux, offrent des emplois. Il serait intéressant d’intégrer
les formations correspondantes au système éducatif. Ainsi que j’ai eu l’occasion de le dire hier, si le Conseil Régional de la GUADELOUPE que préside Madame
le Ministre Lucette MICHAUX-CHEVRY, décide de créer un lycée hôtelier pour y implanter des formations professionnalisées jusqu’au BTS voire en IUP, l’Etat
soutiendra cette initiative.
De la même manière, l’Etat participera à l’installation d’un lycée polyvalent supplémentaire dans le nord de votre département.
Ici, comme en métropole, la formation professionnelle, initiale et continue, mérite d’être développée pour que les parcours et les filières soient plus
cohérents et mieux liés entre eux. De même, les formations complémentaires, courtes et adaptées à l’emploi, aident à entrer dans la vie active. Je sais que
les élus et le Recteur de l’académie ont l’intention de développer les filières professionnelles. Je vous y encourage pour permettre à celles et à ceux qui
s’y engageront d’accéder à tous les niveaux de qualification, depuis le CAP jusqu’au diplôme d’ingénieur.
Ici plus qu’ailleurs, cette orientation est souhaitable, car il nous faut combattre ce fléau qu’est le chômage des jeunes et rattraper certains retards : la
fréquentation des dernières années de l’enseignement secondaire est moindre qu’en métropole, et le taux de présentation au baccalauréat plus faible. Or, le
chômage frappe davantage les non diplômés, et ce phénomène est encore plus sensible dans les DOM qu’en métropole. En MARTINIQUE, 6,1 % des titulaires d’un
diplôme supérieur sont au chômage et 28,9 % de ceux qui ne sont pas diplômés.
Vous savez, en outre, l’intérêt que le Gouvernement prête à la sécurité des établissements scolaires. Les ANTILLES-GUYANE ne sont, bien sûr, pas oubliées :
sur les 4 milliards de prêts bonifiés engagés dès maintenant, j’ai décidé de réserver 300 MF aux départements d’Outre-Mer. Les spécificités des DOM seront
naturellement prises en compte dans la détermination des critères d’attribution et la définition des normes qui permettront aux collectivités locales d’en
bénéficier. En outre, dans les mois qui viennent, je demanderai à la Commission SCHLERET, d’examiner la situation de votre Académie en ce domaine.
L’Etat ne se dérobera pas à ses responsabilités. Il fera face à la croissance démographique. Aux 90 postes que les Services du Ministère de l’Education
Nationale pour le second degré vous ont déjà attribués, j’ai décidé d’en ajouter 10 supplémentaires pour la Guyane.
Je n’aurais garde d’oublier l’Université des ANTILLES et de la GUYANE dont les multiples spécificités sont autant d’atouts pour votre département. Des
difficultés viennent freiner vos possibilités. En particulier, depuis 2 ou 3 ans, votre université voit ses effectifs d’étudiants augmenter de plus de 10 %
par an, et d’ici à l’an 2000 on prévoit un accroissement de plus de 40 %.
L’Etat est bien conscient de cette situation à la fois complexe et urgente. Le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche accélérera la
négociation du contrat d’établissement qui le liera à l’Université des ANTILLES et de la GUYANE. L’objectif de ce contrat est, sur les quatre ans qu’il
couvre, d’attribuer à cette université des moyens lui permettant à son terme d’être dotée d’une manière au moins égale à ceux des autres universités. D’ores
et déjà, une avance de 1 million de francs lui a été accordée. Elle sera suivie d’une dotation contractuelle qui déterminera la progression nécessaire pour
rattraper les retards constatés et atteindre l’objectif visé d’une remise à niveau du terme du contrat.
Ces efforts se conjugueront à ceux prévus dans le cadre des contrats de plan Etat-Région.
Ainsi, la construction, en MARTINIQUE, de l’Unité de Formation et de Recherche de sciences médicales de troisième cycle, est décidée : son montant est de 13
millions de francs, entièrement financés par l’Etat. Le XIème Plan lance, de plus, la construction d’un second pôle universitaire sur la côte Atlantique et
prévoit l’extension de l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres. Le contrat de plan de la GUADELOUPE comporte des investissements pris en charge par
I’Etat à hauteur de 111 millions de francs. Conformément au schéma « université 2000 », le campus de Fouillole sera agrandi, ainsi que l’Unité de Formation et
de Recherche médicale. Enfin, opération nouvelle du XIème Plan, un département « agro-alimentaire » d’IUT sera ouvert.
Le contrat de plan de la GUYANE prévoit, quant à lui, la construction d’une deuxième tranche de la faculté de technologie.
Enfin, 120 logements d’étudiants seront construits à CAYENNE et livrés avant la fin 1994. La convention qui permettra de débloquer les fonds relatifs à cette
opération sera bientôt signée.
Comme vous le constatez, l’Etat prend largement en compte les besoins de nos trois départements des Antilles-Guyane.
C’est d’abord à vous-même qu’il appartient d’apprécier les formations qui peuvent être développées sur place et celles qui, pour des raisons économiques ou
de disponibilité du corps enseignant devront être, au moins dans l’immédiat, poursuivies en métropole.
Toutefois, la mobilité des étudiants ou de ceux qui recherchent une formation technique qu’ils ne peuvent acquérir dans les départements d’Outre-Mer, doit
être suivie avec attention par l’Etat et par les collectivités locales, afin qu’elle puisse s’effectuer dans les meilleures conditions possibles, avec les
meilleures chances de succès.
C’est un sujet pour lequel, à la suite des propositions qui m’ont été faites par M. Dominique PERBEN, Ministre des Départements et Territoires d’Outre-Mer,
je souhaite que l’administration s’efforce, dans les mois qui viennent, d’améliorer ces dispositifs grâce à une coopération étroite des collectivités
territoriales et des universités des DOM.
Il est un autre volet de l’action en faveur des jeunes auquel je prête une attention particulière : celui des activités sportives qu’il nous faut – Etat et
collectivités locales – leur proposer et leur offrir.
Je me félicite du travail approfondi entre M. PERBEN et Mme ALLIOT-MARIE, Ministre de la Jeunesse et des Sports qui va permettre de définir un ensemble de
propositions pour accroître, dans les années à venir, l’effort réalisé en matière d’équipements sportifs et d’incitation à la pratique du sport. Les jeunes
des départements d’Outre-Mer – et c’est une fierté pour notre pays tout entier – ont à maintes et maintes reprises, prouvé leur excellence en ce domaine.
La formation est un enjeu national d’envergure. L’avenir de notre pays en dépend. A la politique ambitieuse du Gouvernement, L’Etat répondra par les moyens
qui s’imposent, pour que le système éducatif de demain soit plus efficace et plus juste. Nous devons y travailler ensemble. Je salue l’oeuvre accomplie
chaque jour par tous ceux qui se consacrent avec dévouement à la formation de notre jeunesse.
Le dynamisme démographique des ANTILLES et de la GUYANE, la vitalité de leur population, sont autant de chances pour vos sociétés.
En venant ici inaugurer ce rectorat, j’ai voulu souligner la primauté du devoir de notre Nation à l’égard de cette jeunesse des départements d’Outre-Mer. Le destin de la MARTINIQUE comme celui des autres départements d’Outre-Mer est entre ses mains. Aidons-la à tirer le meilleur parti d’elle-même pour qu’elle assume les responsabilités qui seront bientôt les siennes.
Etait-il donc lieu plus favorable à l’édification d’un rectorat que ce site de Schoelcher qui dote aujourd’hui la jeunesse de Martinique d’une institution
aussi utile que symbolique ?
Qu’en souvenir de cet homme qui, au siècle passé, la représenta, elle sache rester toujours fidèle à ces principes que la nation entière fit siennes, la défense de la liberté et de la dignité humaine !