Depuis de nombreuses années, le lycée Acajou 2 se distingue par son engagement pour la diffusion de la littérature en Martinique, et plus particulièrement de celle qui nous est proche, qui nous ressemble, qui parle de nous et de notre histoire, pour amener son public de jeunes lecteurs à une prise de conscience de la valeur universelle de la lecture. M. Lance Weller est intervenu dans la classe de terminale de Mme Marchais, professeure d’anglais, pour présenter son livre « Le Cercueil de Job », traduction française de « Job’s coffin » réalisée par François Happe aux Éditions Gallmeister. Fait d’emblée remarquable, cette intervention s’est tenue exclusivement en anglais, Lance Weller ne parlant pas le français, et les élèves se sont pris au jeu avec enthousiasme lorsqu’ils ont eu la possibilité d’échanger avec l’auteur. Il est vrai que le sujet du livre est passionnant, et l’auteur passionné !
Ce roman relate en effet le destin épique de deux personnages de la Guerre de Sécession, la jeune esclave en fuite Bell Hood qui traverse l’Amérique pour tenter de trouver la liberté, et le soldat Jeremiah Hoke, soldat sudiste aux mains mutilées lors de la bataille de Shiloh, jeté en errance expiatoire sur les routes du pays en guerre. Les destinées de ces êtres si différents se croisent sur le parcours et illustrent de façon emblématique l’histoire tumultueuse et cruelle de ce pays en ébullition à la recherche de lui-même dont Lance Weller a fait son inspiration première. C’est effectivement dans cette période de l’histoire de l’Amérique que l’auteur puise de façon privilégiée pour écrire ses romans car, ainsi qu’il l’explique au cours de son intervention, elle permet d’expliquer en grande partie les raisons et les manifestations des crises qui déchirent actuellement le pays. À n’en pas douter, ce rappel historique a permis aux élèves de réactualiser leurs connaissances et d’éveiller leur intérêt pour cette période somme toute assez peu connue, si l’on en juge par les questions posées, et de les entraîner à prendre la parole en langue étrangère, exercice périlleux et redouté s’il en est, particulièrement en face d’un interlocuteur doté d’une telle aura. M. Weller s’est plié à cet exercice avec une grande bienveillance et une écoute exceptionnelle, adaptant en cas de besoin son débit aux difficultés de son jeune public, ce qui lui a permis de captiver l’attention des élèves, en particulier lorsqu’il a évoqué un aspect plus personnel de son travail, à savoir le chemin de croix parcouru pour faire reconnaître et accepter son œuvre dans le monde de l’édition aux États-Unis. C’est seulement après de longues années voire décennies de vaches maigres, malgré un travail acharné, qu’un éditeur a accepté de publier son roman « Wilderness » qui a ensuite été traduit en français. À la suite de ce premier succès, dont il parle en toute modestie, paraissent deux autres romans, « Les Marches de l’Amérique » et « Le Cercueil de Job », mais uniquement en traduction française, preuve s’il en est que nul n’est prophète en son propre pays et que l’ouverture au monde, et donc aux langues, est une des conditions de réussite de toute entreprise littéraire, ainsi qu’il se plaît à le souligner, ce qui a donné l’occasion d’un échange fort intéressant avec une professeure de langue sur le rôle primordial du traducteur dans la diffusion de l’œuvre. À l’issue de ces deux heures de partage littéraire, une collation a été offerte par le service restauration du lycée à l’auteur et aux participants qui en ont profité pour continuer à échanger de façon plus informelle. Force est de constater que de telles manifestations constituent pour nos élèves une ouverture irremplaçable sur le monde qui les entoure et dont ils sont d’autant plus privés actuellement du fait de la crise sanitaire et sociale en Martinique. La rencontre sans filtre avec d’autres expériences et récits de vie, d’autres langues, d’autres générations et cultures révéleront chez eux à n’en pas douter des vocations et des désirs qui porteront un jour leurs fruits sur le sol martiniquais. V.R
Article proposé par la professeure documentaliste du lycée Acajou 2