Créer et diffuser des ressources pédagogiques : droits des enseignants

Les ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur et de la recherche mettent à disposition des enseignants des ressources numériques dans les établissements scolaires et universitaires français comme moyen de diffusion des cours ou comme support pédagogique dans le cadre de l’enseignement.

Certains enseignants s’appuient sur celles-ci pour créer leurs propres ressources pédagogiques en capturant des extraits par exemple. Ces ressources sont diffusées dans les classes, mais aussi parfois sur des sites web comme le site de l’établissement par exemple. 

Il nous paraît donc important de clarifier les exigences du droit visà-vis des enseignants et de leurs établissements.

Cet article traite des questions juridiques soulevées en droit de la propriété intellectuelle.

Les questions relatives au droit à l’image seront également envisagées. Il s’adresse à tous les enseignants utilisateur ou créateur d’oeuvres.

1- Devenir du droit d’auteur d’un document créé par un enseignant

Pour les enseignants du premier et 2nd degré :


Ce qui dit la loi : 

L’article L. 912-1-1 du Code de l’éducation énonce que « la liberté pédagogique de l’enseignant s’exerce dans le respect des programmes et des instructions du ministre chargé de l’éducation nationale et dans le cadre du projet d’école ou d’établissement avec le conseil et sous le contrôle des membres des corps d’inspection ».

Ainsi, l’État est investi des droits sur les œuvres créées par un enseignant dans le cadre de ses fonctions. Il peut donc exploiter l’œuvre de celui-ci « dans la mesure strictement nécessaire à l’accomplissement de la mission de service public » (article L. 131-3-1 CPI). Il dispose d’un droit de préférence si l’enseignant souhaite exploiter commercialement son œuvre.

Par exemple, si un enseignant décide de faire filmer son cours et d’en faire une œuvre, le droit de l’exploiter, dans la mesure nécessaire à l’accomplissement du service, reviendra à l’établissement scolaire (ou école). L’enseignant ne peut donc diffuser son cours d’une façon contraire aux modalités prévues par son établissement pour l’accomplissement du service.

2- Utilisation de photos ou documents dont on n’est pas propriétaire.

La première étape à effectuer lorsqu’un enseignant utilise une ressource (photo, document, dessin, tableau…) pour l’intégrer dans ses créations pédagogiques est de vérifier si cette ressource est soumise  à un régime de licence libre ou à un régime de droit commun. 

1. Licences libres

Dans la mesure où celle-ci est soumise à un régime de licence libre, l’enseignant est dispensé de demander l’autorisation à l’auteur pour l’intégrer dans sa ressource pédagogique. 

Lorsqu’une licence libre s’applique à une œuvre, cela signifie que l’auteur laisse au public des possibilités de modification, de rediffusion et de réutilisation de cette œuvre. Il existe des sites et des moteurs de recherche dédiés à ce type d’œuvres, qu’elles soient littéraires, musicales, audiovisuelles, graphiques… (ex : http://search.creativecommons.org/). Sur le moteur de recherche Google, on peut filtrer une recherche selon les droits d’usage (https://www.google.com/advanced_search?hl=fr&fg=1)

Différentes licences libres existent (Licence GNU, IBM public license, …). Celle les plus répandues sont les Creatives commons. L’intégralité de ces licences est accessible sur Internet. Les licences Creative commons permettent au titulaire des droits, de choisir les utilisations qu’il va autoriser. Il appose alors des pictogrammes différents en fonction des utilisations (consultez le site web français Creative commons https://creativecommons.fr/licences/) :

·       ATTRIBUTION

·       ATTRIBUTION / PAS DE MODIFICATION

·       ATTRIBUTION / PAS D’UTILISATION COMMERCIALE / PAS DE MODIFICATION

·       ATTRIBUTION / PAS D’UTILISATION COMMERCIALE

·       ATTRIBUTION / PAS D’UTILISATION COMMERCIALE / PARTAGE DANS LES MÊMES CONDITIONS

·       ATTRIBUTION / PARTAGE DANS LES MÊMES CONDITIONS

Obligations formulées par la licence libre :

  • L’obligation de respecter le droit moral de l’auteur.
  • L’auteur du contenu préexistant conserve dans tous les cas tous les attributs du droit moral. Par exemple, pour respecter le droit à la paternité de l’auteur, l’enseignant est tenu de citer son nom et le titre de l’œuvre qu’il compte utiliser.

2. Droit commun

Dans la mesure où la ressource est soumise à un régime de droit commun, elle est soumise au droit d’auteur et à la propriété intellectuelle. Dans ce cas, l’enseignant doit demander l’autorisation à l’auteur de l’utilisation de son œuvre.

À qui demander l’autorisation ?

L’auteur est vivant ou l’auteur est mort depuis moins de 70 ans :

  • L’auteur n’est pas adhérent à un organisme de gestion collective :
  • L’enseignant doit directement prendre contact avec lui afin d’obtenir son autorisation. Si l’auteur est décédé, il peut également se renseigner auprès de ses héritiers. S’il ne parvient pas à le contacter alors il peut se renseigner auprès de son éditeur ou producteur.
  • L’auteur est adhérent à un organisme de gestion collective
  • L’enseignant doit directement se renseigner auprès de l’organisme de gestion collective.

Exemple de modèle de droit de cession (ressource : Université de Nantes – Institut de la recherche en droit privé – Ministère de l’enseignement supérieur, « Guide du droit d’auteur ») : https://cache.media.education.gouv.fr/file/2019-2020/83/4/contrat_de_cession_1307834.pdf

3. L’exception pédagogique

Ce que dit la loi :

L’article L.122-5 3° e) du Code de la propriété intellectuelle énonce que l’exception pédagogique se caractérise par :

« la représentation ou la reproduction d’extraits d’œuvres,

– sous réserve des œuvres conçues à des fins pédagogiques et des partitions de musique  (commentaire : ces types de documents ne rentrent pas dans l’exception pédagogique),

– à des fins exclusives d’illustration dans le cadre de l’enseignement et de la recherche,

– y compris pour l’élaboration et la diffusion des sujets d’examens ou de concours organisés dans la prolongation des enseignements à l’exclusion de toute activité ludique ou récréative,

– dès lors que cette représentation ou cette reproduction est destinée, notamment au moyen d’un espace numérique de travail, à un public composé majoritairement d’élèves, d’étudiants, d’enseignants ou de chercheurs directement concernés par l’acte d’enseignement, de formation ou l’activité de recherche nécessitant cette représentation ou cette reproduction,

– qu’elle ne fait l’objet d’aucune publication ou diffusion à un tiers au public ainsi constitué,

– que l’utilisation de cette représentation ou cette reproduction ne donne lieu à aucune exploitation commerciale et qu’elle est compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire (…) »

Ce que l’exception pédagogique permet : 

·       La représentation d’extraits de l’œuvre à un public d’élèves, d’étudiants, d’enseignants ou de chercheurs concernés par la thématique de l’œuvre sous réserve de la mention de l’auteur et de la source de l’œuvre.

·       La reproduction d’extraits de l’œuvre en classe, au cours de colloques, conférences ou séminaires, la mise en ligne en intranet (réseau local de l’établissement, ENT) .

Ainsi, le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et la conférence des présidents d’université (CPU) ont ainsi conclu des accords :

·       avec la Société des producteurs de cinéma et de télévision (PROCIREP) sur l’utilisation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles,

·       avec la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) sur l’interprétation vivante d’œuvres musicales, l’utilisation d’enregistrements sonores d’œuvres musicales et l’utilisation de vidéo-musiques,

·       et avec les sociétés représentant les titulaires de droits pour l’utilisation et la reproduction des livres, des œuvres musicales éditées, des publications périodiques et des œuvres des arts visuels.

Consulter les protocoles publiés au Bulletin officiel sur le site Eduscol : https://eduscol.education.fr/pid39322/exception-pedagogique.html

Ce que l’exception pédagogique ne permet pas : 

La représentation d’extraits de l’œuvre en accès libre sur internet ou lors d’une conférence grand public. Les ressources disponibles sur Internet sans autorisation du titulaire des droits (vidéos, images, textes, etc.) ne sont pas concernées par l’exception pédagogique. Elles sont donc soumises aux droits d’auteur et à la propriété intellectuelle. Il faut donc vérifier que les ressources publiées soient libres de droits.

Le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) propose un site pratique à destination des enseignants.

·       La première partie du site offre une synthèse des principales questions liées à l’utilisation des extraits de textes et d’images dans le respect du droit d’auteur : quoi, comment, pour qui ?

·       La foire aux questions complète ces explications pour répondre aux interrogations récurrentes des enseignants.

·       Pour aller plus loin, les rubriques liées au cadre juridique et aux textes de loi rappellent le contexte légal.

3- Droits à l’image et droit à la voix des personnes physiques

Toute personne, célèbre ou anonyme a un droit de contrôle sur l’utilisation et l’exploitation de son image ou de sa voix, et peut s’opposer à la conservation ou à la diffusion publique de son image sans autorisation. (article 9 du Code civil)

La nature du support sur lequel l’image d’une personne est diffusée est sans aucun effet sur le respect dû au droit à l’image de cette personne. Qu’il s’agisse d’un tract, d’une affiche, d’un magazine ou d’un site internet, le droit à l’image a vocation à s’appliquer de la même façon. Ainsi, lorsque vous diffusez une œuvre, vous devez également respecter le droit à l’image des personnes filmées ou photographiées.

Autorisations de captation de l’image et de la voix :

Cas d’une personne majeure :

·       La diffusion de toute image visuelle ou sonore présentant une personne majeure n’est possible qu’après l’obtention de son autorisation écrite précisant le lieu et la date de réalisation ainsi que l’usage qui va en être fait. Ce droit s’applique également aux personnes décédées et est exercé par les héritiers. 

·       Exemple de modèle d’autorisation : Autorisation de captation et d’utilisation d’image ou de voix d’un majeur

Cas d’une personne mineure :

·       L’autorisation écrite des parents ou du responsable légal est indispensable ainsi que le consentement de l’élève. Elle doit préciser le cadre dans lequel l’image de leur enfant sera utilisée (lieu, durée, modalité de présentation, de diffusion, support…).

·       Exemple de modèle d’autorisation : Autorisation de captation et d’utilisation d’image ou de voix d’un mineur

Exceptions : Il existe 2 exceptions à cette règle au nom du droit à l’information, donc uniquement pour les professionnels :

·       la publication d’images d’une foule (une manifestation par exemple) à condition qu’aucune identification individuelle ne se révèle être possible;

·       la publication d’images de personnalités publiques dans l’exercice de leur vie publique (hommes politiques, artistes, sportifs…). Mais s’il s’agit de leur vie privée, on sort de l’exception.

4- Le coin des ressources…

 L’académie impulse et conseille aux enseignants d’utiliser les ressources mises à disposition par l’Institution.

Ainsi, le ministère en collaboration avec ses partenaires culturels et opérateurs offre aujourd’hui de nombreuses ressources en ligne à destination des enseignants et des élèves :

Le portail Eduthèque : il fournit aux enseignants et leurs élèves un accès gratuit et sécurisé à des ressources numériques pédagogiques issues d’offres de grands établissements publics à caractère culturel et scientifique.

Lumni enseignant : la plateforme unique Lumni regroupe les ressources d’Arte, de France Médias Monde, de France Télévisions, de l’INA, de Radio France et de TV5Monde.

Les Banques de Ressources Numériques pour l’École  : les Banques de ressources numériques pour l’École (BRNE) s’adressent à tous les professeurs du premier et du second degré. Elles offrent gratuitement aux professeurs et aux élèves des ressources pour enseigner et apprendre. Les professeurs bénéficient de l’ensemble des contenus et des services pédagogiques (boîte à outils pour composer des activités numériques interactives).

CANOTECH: cette plateforme propose une bibliothèque de ressources numériques. Classées par niveaux, disciplines et thématiques, ces applications, vidéos, ont été sélectionnées par les équipes de Réseau Canopé pour leur aspect pratique et leur simplicité d’utilisation.

ÉTINCEL, des ressources pour les enseignements généraux, technologiques et professionnels : La plate-forme propose des ressources numériques (animations, jeux sérieux, vidéos) et de nombreux scénarios pédagogiques modifiables.

·       Pour les enseignements généraux, les situations et les ressources pédagogiques se situent dans un contexte ou une problématique industrielle. Il s’agit essentiellement de modélisations.

·       Pour les enseignements technologiques et professionnels sont proposées des études de cas, des situations professionnelles authentiques, s’appuyant sur la réalité industrielle. 

Attention, la mise à disposition gratuite des ressources proposées ci-dessus ne signifie pas qu’elles puissent être diffusées librement en ligne sur internet.

Par exemple, sur le site du réseau Canopé (www.reseau-canope.fr), il est indiqué que :

« La présentation et le contenu du site www.reseau-canope.fr constituent des oeuvres protégées par la législation française et internationale relative à la propriété intellectuelle. Les éléments de fond protégeables tels que les textes, les photographies, les données, les graphiques, les vidéos, les images…, ainsi que les éléments de forme (choix, plan, disposition des matières, organisation des données…) sont la propriété du réseau Canopé au titre du droit d’auteur et au titre du droit du producteur de la base de données. En vertu de cette propriété, le réseau Canopé peut exploiter ces différents éléments seul ou grâce à l’accord obtenu des détenteurs de droits, et ce, pour le monde entier. Dès lors, toute reproduction ou représentation, partielle ou totale, sur quelque support que ce soit, ne peut être faite sans le consentement préalable du réseau Canopé en application des articles L.122-4 et L.342-1 du Code de la propriété intellectuelle.».

Vous trouverez davantage d’informations sur la ressource fournie par l’Université de Nantes – Institut de la recherche en droit privé – Ministère de l’enseignement supérieur, « Guide du droit d’auteur »

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