Une interview de Christiane EDA PIERRE à Radio France.
Sa vie et son oeuvre.
Le 3 janvier 2008, Christiane EDA-PIERRE était faite Chevalier de la Légion d’Honneur.
Cette soprano, soprano colorature dramatique, l’une des grandes voix de la scène internationale, est ainsi récompensée après une carrière de près de 30 ans.
Présente sur les plus grandes scènes internationales, à Vienne, au festival de Salzburg, à New York, à Londres, à Berlin, à Munich, à Rome…sa carrière est celle d’une artiste d’envergure exceptionnelle. Les plus grands chefs d’orchestre ont été à ses côtés tels que Georg SOLTI, Charles MUNCH, Karl BOEHM, Lorin MAEZEL, Seiji OZAWA, Daniel BARENBOIM, André CLUYTENS, Ricardo MUTI, Pierre BOULEZ…. Elle a cotoyé les plus grands artistes de la scène lyrique tels les ténors italiens Placido DOMINGO, José VAN DAM, Luciano PAVAROTTI ou l’espagnol Alfredo KRAUS.
Une jeunesse musicienne
Née en 1932 à Fort de France, rue Galliéni, elle vit dans un milieu artiste de la bourgeoisie foyalaise où l’on enseigne la Musique, notamment dans l’enseignement secondaire. Sa mère, connue sous le surnom de « Tante Alice », est professeure de musique au lycée Schoelcher et au collège Pérrinon. Son père, journaliste au Courrier des Antilles, est dessinateur et géomètre. Sa tante Paulette NARDAL, est l’une des figures pensantes de la vie antillaise, fondatrice de la revue « La Revue du Monde Noir ». Le grand père, ingénieur, est un pianiste et un flûtiste accompli; sa femme étant elle-même organiste.
Très jeune, Christiane EDA-PIERRE apprend donc le piano avec sa mère. Elle reconnaît par ailleurs l’influence qu’a eu dans le destin de cette famille l’ancienne capitale culturelle de la Martinique qu’était St Pierre. Proche des milieux du théâtre de St Pierre, la famille s’est en effet très tôt consacrée à la vie artistique et ce, bien avant l’éruption de 1902.
Les années d’études : Paris
Elevée au pensionnat colonial, partie à 17 ans pour Paris, avec l’idée de revenir enseigner le piano, Christiane EDA-PIERRE y devient cantatrice, l’une des toutes premières cantatrices noires de carrure internationale en France métropolitaine et dans le monde aux côtés de Barbara HENDRICKS et de Léontine PRICE. Et sur les conseils de ses professeurs, c’est bien l’une des toutes premières musiciennes noires a avoir franchi les portes du Conservatoire National Supérieur de Paris. Ses étonnantes capacités retiennent la plus grande attention de ses professeurs dont celle d’un chanteur genevois, Charles Panzera. C’est au Conservatoire National de Paris qu’elle rencontre le maître d’armes Pierre LACAZE, un des maîtres des grands épéistes français, qu’elle va épouser.
Après 3 ans d’études, Christiane EDA PIERRE est très vite distinguée au Conservatoire National Supérieur de Paris avec les Premiers Prix de Chant, d’opéra et d’opéra comique en 1957.
Des débuts fulgurants
Sa carrière commence réellement à Nice, en 1958, où elle chante Leila dans les Pêcheurs de Perles de Georges BIZET. Elle y obtient un succès considérable. L’année suivante elle est au festival international d’Aix en Provence, dans le rôle de Pamina, dans La flûte enchantée de Wolfgang Amadeus MOZART. Un rôle difficile qu’elle chantera…une quinzaine de fois ! Dans des salles aussi difficiles qu’à Marseille, Toulouse ou Bordeaux, c’est un véritable triomphe où elle ne compte plus ses admirateurs…
Elle chante les airs délicatement romantiques de Léo DELIBES (Lakmé en 1961), la musique baroque avec Jean Philippe RAMEAU (Les Indes Galantes en 1962) ou le Bel Canto avec Gaetano DONIZETTI (Lucia di Lammermoor en 1962). Dès 1965, elle est programmée sur les grandes scènes internationales d’Europe et s’y distingue notamment en chantant le rôle de Constance dans L’enlèvement au Sérail de MOZART. Elle se produit plusieurs fois en Guadeloupe et en Martinique.
Christiane Eda Pierre dans les Contes d’Hoffmann de Jacques OFFENBACH dirigé par Patrice CHEREAU,à Paris,en 1974, avec le baryton basse José VAN DAM…
Un succès international
Ses débuts aux Etats Unis l’ont été sur la prestigieuse scène du Metropolitan Opera « Le Met », de New York, en 1976 où elle interprète la comtesse des Noces de Figaro de MOZART. La même année, elle chante Rigoletto, de Giuseppe VERDI, à Central Park, au coeur de New York devant 250 000 personnes, aux côtés du chef James LEVINES et du ténor Luciano PAVAROTTI… C’est à l’issue de ce concert, clos par une véritable ovation, que l’imprésario du fameux ténor italien la contacte…
Christiane Eda Pierre et le ténor italien Luciano Pavarotti en 1981 sur la scène du Metropolitan Opera de New York… Air « Addio,addio… » de l’Acte I du Rigoletto de Giuseppe Verdi. L’orchestre est dirigé par le chef James Levine
L’année suivante, elle se produit sur la scène martiniquaise, à Fort de France, pour reprendre ensuite sa tournée aux Etats Unis (San Francisco, Chicago, New York…)
Au festival international de Salzburg de 1980, elle chante trois rôles de soprano dans Les Contes d’Hoffmann de Jacques OFFENBACH.
C’est encore Christiane EDA PIERRE qui crée le rôle de l’Ange dans le St François d’Assise d’Olivier MESSIAEN lors de la première à Paris en 1983.
L’enseignement de l’artiste
Sa carrière à l’opéra s’arrête en 1986 sur un opéra de MOZART, La Clémence de Titus, bien qu’ elle continue à chanter jusqu’en 1995.
Avant d’être pendant près de 10 ans l’artiste invitée de l’Opéra de Paris -et ce, dès 1973,- elle aura été engagée pendant près de 12 ans à l’Opéra Comique. Elle a également figuré de 1980 à 1988, parmi les artistes invitées du Théâtre Royal de la Monnaie à Bruxelles.
Mais sa carrière est aussi celle d’un professeur. Professeure de chant au Conservatoire National Supérieur de Paris, elle y enseigne en effet le chant lyrique de 1977 à 1996.
La lecture des interwiews, des témoignages de ses élèves, parle en faveur de la grande modestie et des qualités humaines d’un personnage qui a toujours dit ne pas se reconnaître dans le rôle d’une « diva ».
Christiane Eda Pierre s’est rendue plusieurs fois dans notre collège comme en témoigne cette photographie publiée avec son aimable autorisation.
L’oeuvre
Les enregistrements divers, les critiques donnent une rapide idée du talent de cette artiste. Sa voix est presqu’unanimement et souvent décrite comme étant d’une grande tenue, sensuelle, marquée par un timbre très chaud… C’est peut être ce qui explique que l’on ait très vite reconnu dans cette soprano l’une des plus remarquables interprètes de la musique de Wolfgang Amadeus MOZART.
Parfois difficiles à trouver, ses disques, trop rares, une quinzaine, ont pourtant reçu bien des distinctions que ce soit aux Etats Unis (Prix du « The National Academy of recording Arts and Sciences ») ou en France (« Diapason d’Or », « Grand Prix de l’Académie du disque français »).
Quelques enregistrements disponibles:
Hector BERLIOZ, Les opéras: Benvenuto Cellini, les Troyens…, Universal Classique, 2001
Jean Sébastien BACH, Magnificat, Universal Classique, 2001
Jean Philippe RAMEAU, Dardanus, Wea, 1994
Hector BERLIOZ, Benvenuto Cellini, Universal Classique, 1988
Wolfgang Amadeus MOZART, L’enlèvement au sérail, Polygram, 1991, Universal, 1995, Universal, 1978
Wolfgang Amadeus MOZART, Cosi Fan Tutte, Polygram, 1995
Olivier MESSIAEN, Saint François d’Assise, M10, 2001
Ludwig van BEETHOVEN, Missa Solemnis, Universal, 1997
Dietrich Ehrahrdt INGHELBRECHT, Requiem, WPM, 1996
Des extraits vidéos
Christiane Eda Pierre et Kenneth Riegel dans les Contes d’Hoffmann de Jacques OFFENBACH, Paris, 1974
Sources:
Le blog de Jean Claude HALLEY, ancien ingénieur en Guadeloupe.
The Oxford Dictionary of Music, Oxford, University Press, 1994
Roland MANCINI, Le guide de l’opéra, Fayard, 1986.
Une interwiew en 1977 de Christiane Eda Pierre sur le blog du Scrutateur Guadeloupéen, ancien journal d’un professeur de philosophie guadeloupéen Edouard Boulogne.
Une interwiew du 18 février 2008, sur le Blog des informations du 5e DOM
Le blog Isola disabitata, qui évoque en particulier les qualités artistiques de la chanteuse.