La naissance du Morne Rouge.

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La baie de Saint Pierre

L’Etat reprend la colonisation en main.

C’est dans la seconde moitié du XVIIe siècle que le pouvoir royal décide de reprendre la colonisation en main. La Compagnie des Isles d’Amérique et la Compagnie des Indes occidentales disparaissent et le roi décide de rattacher la Martinique et la Guadeloupe au domaine royal en 1674. Désormais, la Martinique est non seulement administrée par un gouverneur, mais aussi par un intendant qui s’occupe d’y lever des impôts et par un Conseil souverain. Ce qui n’est pas vraiment du goût des colons…

Dès le milieu du XVIIIe siècle, le pouvoir royal organise des campagnes de défrichement en vue de coloniser l’intérieur des terres. On installe par exemple non loin de Champflore des familles acadiennes chassées par les Britanniques après l’abandon de la colonie du Québec (Canada) par la France en 1763. La vallée du Champflore où se sont établis des Frères hospitaliers de la Charité, fait aussi l’objet de mesures de fixation de nouveaux colons. Mais c’est un échec. Seuls les religieux de « Hopital du Champflore » continuent à y possèder plus d’une centaine d’hectares et des sucreries.

C’est aussi au début du XVIIIe siècle, que les premières plantations de café sont introduites comme sur l’Habitation Dominant du Morne Balisier.

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Reconstitution d’un brick négrier du XIXe siècle au mouillage dans la baie de Saint Pierre.

Lorsque la Révolution Française éclate en 1789, la Martinique passe sous occupation anglaise de 1794 à 1802. Or durant cette période, dans la métropole, les biens du clergé deviennent biens nationaux c’est à dire propriété de l’Etat. Ainsi lorsque la Martinique repasse sous administration française, les biens des religieux de la Charité à Champflore sont vendus par l’Etat. C’est ainsi plus de 250 hectares de terres et 150 esclaves qui passent peu à peu de l’Eglise aux mains de la bourgeoisie pierrotine.. et pour la plupart des terres que l’on voue à la plantation de café et de cacao.

On compte alors sur l’île, dès 1789, pour 10 000 blancs, un peu plus de 5000 libres de couleur (métis : mulâtres) et surtout près de 73 500 esclaves noirs.

La bourgeoisie pierrotine investit sur les hauteurs.

Avec l’essor de Saint Pierre, les habitations des Etages ne cessent de prospérer au XVIIIe siècle telles l’Habitation béké du Sieur de Perinelle de plus de 150 ha. Les Perinelles et les Pécoul vivent alors à Saint Pierre et à Paris un train de vie somptueux. L’abolitionniste Schoelcher visitera d’ailleurs en 1840, les habitations de ces deux familles. La plupart des habitations des Etages sont  rachetées par les notables et la bourgeoisie de Saint Pierre surtout au XIXe siècle. L’une d’elle, de près de soixante hectares, est même rebaptisée « Marie Reine », du nom de la fille d’un notaire de Saint Pierre. Un autre, avoué à Saint Pierre réunit deux habitations et forme l’Habitation MacIntosh qui se voue plus tard à la production de fleurs.

Pourtant au début du XIXe siècle, une crise commence à toucher l’exploitation sucrière concurrencée par la production de sucre de betterave. On tente de moderniser les usines à sucre et les distilleries avec la machine à vapeur. Mais les investissements sont très coûteux.

Les notables se font construire de petites maisons, des résidences secondaires, sur leurs terres des « Etages ».

Et c »est ainsi qu’apparaît un petit hameau et bientôt une chapelle en 1844. La Martinique compte alors  près de 73 000 esclaves. Le pic ayant été atteint en 1831 avec 86 000 esclaves.(4)

L’abolition de l’esclavage et la venue de nouvelles populations.

Les événements de l’abolition de l’esclavage en mai 1848 ont touché la région du Morne Rouge. Lorsque le décret d’abolition est signé le 27 avril 1848 par le gouvernement provisoire de la future IIe République, il n’est pas immédiatement appliqué. Des rumeurs circulent sur l’égalité en droit alimentées par les « libres de couleur », les mulâtres. Elles aboutissent à la révolte du 22 mai à St Pierre à la suite d’un incident entre un esclave et un planteur. Une fusillade a lieu au Prêcheur et débouche sur une émeute. Les pillages d’habitations s’étendent au Morne Rouge. Ils ne s’apaisent que lorsque la municipalité de Saint Pierre exige enfin le décret d’abolition du gouverneur Rostoland le 23 mai 1848.

Avec l’abolition de l’esclavage en mai 1848, les anciens esclaves affranchis s’établissent dans les mornes, sur les hauteurs, où bien des terres restent encore à exploiter. Sur la zone de l’actuel Morne Rouge, la population semble alors d’environ 1200 personnes. Mais cet apport est décisif car on voit brusquement augmenter la production vivrière de l’île: les superficies plantées en productions vivrières doublent jusqu’à atteindre les trois quarts des surfaces consacrées à l’exploitation de la canne à sucre. Par ailleurs, seule une moitié d’anciens esclaves continue à travailler dans les champs de cannes.

Dès 1855, les planteurs commencent donc à introduire de nouveaux travailleurs venus d’Inde, alors colonie anglaise, et d’Afrique. Vers 1862, on compte déjà près de 10 000 « coolies », travailleurs indiens et près de 10 000 « congos », travailleurs africains. Leurs salaires sont misérables. Cette main d’oeuvre est particulièrement concentrée dans le nord de l’île. Mal perçue par l’ancienne population servile, elle connaît de nombreuses difficultés d’intégration bien que son adaptation et son apport culturel dans cette région du nord soient indéniables.

Le Second Empire: l’Eglise s’impose sur les hauteurs de St Pierre.

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La première église en bois du Morne Rouge, gravure du XIXe siècle, avant le cyclone de 1891.

L’événement décisif pour la commune intervient en avril 1851.

La métropole française du second empire (1851-1870) est alors en plein renouveau catholique. Les pélerinages et en particulier les dévotions à la Vierge se multiplient.

C’est à ce moment là que le premier évêque de la Martinique arrive au siège de l’évêché à Saint Pierre: le père Le Herpeur. Proche des religieux de Notre Dame de La Délivrande, en Normandie, il décide de faire implanter un sanctuaire dédié à Notre Dame de La Délivrande; non pas à St Pierre, le siège du tout nouveau évêché, mais sur les hauteurs de Saint Pierre, dans la chapelle de ce que l’on appelle désormais depuis la fin du XVIIe s, le quartier du « Morne Rouge ». Attribuée au voeu que fait l’évêque durant la traversée de l’Atlantique, cette décision est d’une importance capitale pour l’avenir du hameau car un pélerinage s’y organise très vite au grand dam de la ville de Saint Pierre.

Ce pélerinage connaît un succès croissant. Des milliers de pélerins venus de toute la Martinique se rendent au Morne Rouge. Une voiture publique fait le trajet entre Saint Pierre et le Morne Rouge. En 1868, une congrégation des filles de La Délivrande s’établit à l’instigation de la fille d’un notaire de Saint Pierre. Un hospice est construit. L’Eglise prend des intiatives; elle est soutenue par les capitaux des planteurs martiniquais, anciens propriétaires d’esclaves, appelés « békés ».  L’époque se prête à cette ferveur; cela n’est pas un hasard:  le pape Pie IX  a défini en 1854 le dogme de « L’Immaculée Conception ». On construit donc de gigantesques statues en France, comme la statue de Notre Dame au Puy dans le Massif Central (1854) et les apparitions se multiplient, comme en 1858, où a lieu l’apparition de la Vierge à Lourdes dans les Pyrénées françaises. Elle génére un pélerinage d’une importance considérable…qui rejaillit peu après sur le Morne Rouge où un sanctuaire consacré à la Vierge de Lourdes est érigé. En 1867, le père Dufrien fait édifier un calvaire sur le Morne Balisier.

On estime qu’avec l’instauration du pélerinage à Notre Dame de la Délivrande, la population du quartier aurait doublé passant à près de 3000 habitants. Le gouverneur de la Martinique, Gueydon, laisse donc s’installer une boulangerie, une brigade de police (1854-1855) et même une école communale en 1881.

Le développement d’une bourgade et sa fondation sous la IIIe République (1889)

Le Second Empire est marqué par l »essor de la seconde révolution industrielle. Les distilleries se modernisent. En 1863, les paquebots de la Compagnie Transatlantique établissent une ligne avec Fort de France. La présence des hauteurs boisées au Morne Rouge favorise donc la fabrication du charbon qui occupe encore pendant près d’un siècle, un grand nombre de charbonniers. L’élevage, favorisé par les paturages appelés « savanes », prospère. Les premières distilleries s’installent à Champflore et dans le Grand Réduit.

La IIIe République qui est proclamée en septembre 1871, connaît ses premières années d’existence réelle en 1879. Avec le suffrage universel, on observe alors un renouveau de la vie dans les municipalités et le maire prend une importance nouvelle.

C’est pourquoi, le 11 janvier 1889, le président de la République, Sadi Carnot, érige le hameau du Morne Rouge en commune indépendante de l’administration pierrotine. Son premier maire est un métropolitain: Jean Marie Crassus.

Jusque là personne n’a prêté attention au premier réveil de la Pelée, l’année même où commence l’essor du Morne Rouge: 1851.

Un texte de Lafcadio HEARN décrit le Morne Rouge à la fin du XIXe siècle.

Notes:
(4) Paul BUTEL, « Histoire des Antilles françaises du XVIIe s. à nos jours », Perrin, 2002, p261